Les troubles des conduites alimentaires (TCA) sont assez répandus et particulièrement dans la population plus jeune, même si une partie de la population adulte souffre également de ces troubles qui débutent généralement autour de l’adolescence mais peuvent persister à l’âge adulte, et s’installer alors de manière plus chronique. Ces troubles se manifestent par une obsession de la nourriture, du poids et de l’apparence.
Selon le site belgiqueenbonnesante.be ; 11 % de la population adulte présente des signes de troubles de l’alimentation (contre 8 % en 2013 et 7 % en 2018).
Ces signes sont plus fréquents dans la tranche d’âge 18-29 ans et plus fréquents chez les femmes que chez les hommes.
Également en Belgique, il s’avère que 40000 séjours hospitaliers annuels concerne un trouble alimentaire.
Et si nous en parlions?
Je suis psychologue clinicienne et psychothérapeute à Bruxelles, je suis spécialisée dans les troubles liées à l’alimentation (Troubles Comportementales Alimentaire: TCA)
C’est quoi les TCA ?
Les troubles alimentaires sont des troubles extrêmement invalidants. Ils organisent la vie de la personne et sont souvent liés a des problématiques dépressives ou anxieuses sous-jacentes présentant dans les cas les plus graves un risque suicidaire tant les personnes se sentent impuissantes à contrôler leur comportement.
Ils sont en effet caractérisés par un rapport à l’alimentation particulier qui est associé à une grande souffrance psychique et qui est souvent chronique. S’ils s’installent durablement, les conséquences sur la santé de l’individu peuvent alors s’avérer dramatiques. Ils sont également extrêmement isolants ce qui contribue encore plus à la détresse psychique.
Définition des TCA
L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) définit les troubles du comportement alimentaire comme suit :
« Les troubles du comportement alimentaire, tels que l’anorexie mentale et la boulimie, impliquent une alimentation anormale et une obsession pour la nourriture, ainsi que des préoccupations proéminentes concernant le poids et la forme du corps. »
Ils induisent des troubles psychologiques et somatiques qui se caractérisent par une représentation du corps erronée, influencée par la pression sociale et par des émotions négatives comme la colère, la honte et le dégoût de soi-même.
Les troubles alimentaires les plus fréquents sont l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie.
Quelles sont les causes des troubles du comportement alimentaire ?
Les causes des troubles du comportement alimentaires sont floues et mal définies. Certains avancent l’hypothèse génétique qui semble cependant peu cohérente car aucun gène spécifique n’a été découvert. Il semblerait plutôt que le rapport à la nourriture peut être perturbée au niveau familial et que ces habitudes se transmettent alors de générations en générations même si la forme peut changer.
On voit souvent des familles entières où l’obésité est omniprésente. Ce sont souvent des familles ou la nourriture prend une place importante au sein de la dynamique familiale. Les relations familiales sont alors souvent organisées autour de la nourriture au détriment d’autres activités.
Ce qui est le plus prégnant dans ce type de troubles, c’est surtout la difficulté à vivre les émotions et à les réguler.
Comme toute conduite compulsive, il y a une forte tendance à court circuiter les émotions soit « en les mangeant » comme dans la boulimie ou l’hyperphagie, soit en les mettant complètement à l’écart par un comportement de contrôle absolu comme dans l’anorexie.
En contrôlant strictement son alimentation, les anorexiques ont également le sentiment de pouvoir contrôler leur monde émotionnel. L’obsession de la nourriture qu’elle soit engloutie ou écartée permet également cela de contrôler le monde mental et donc émotionnel de la personne car le rapport à la nourriture prendre alors toute la place.
Les origines des troubles alimentaires.
Les troubles alimentaires prennent leurs origines généralement dans l’enfance, même s’ils se manifestent généralement qu’à l’adolescence ou à l’âge adulte.
Ces maladies révèlent avant tout des difficultés de développement dans l’enfance, bien souvent dès les premiers mois de la vie. L’origine peut venir de problèmes liés à la construction de l’identité, à des formes d’insécurité, de dysfonctionnements dans les relations parent/enfant, de traumatismes intergénérationnels ou encore de maltraitances physiques ou sexuelles.
Il y a généralement des conflits latents avec les figures d’attachement dont on a du mal à se détacher pour des raisons propres à l’histoire familiale de chacun.
Toutes les configurations sont possibles, souvent aussi en lien avec les problèmes psychologiques propres aux figures parentales en raison de leurs propres histoires.
De ce fait, la prise d’autonomie propre a l’adolescence devient complexe et le sujet se sabote dans des troubles des conduites alimentaires car les conflits relationnels et psychiques ne peuvent être exprimés.
Le conflit dépendance/autonomie se cristallise autour de la nourriture et la maladie se développant, elle enkyste le sujet dans une dépendance avérée, l’isolant de plus en plus des autres et de lui-même.
La problématique dépressive est centrale dans ce processus. La dépressivité étant liée dans ce cas à l’impossibilité à se détacher mentalement des figures parentales sans risque de chute psychique.
L’autonomie nécessaire à la construction de la vie adulte est vécue comme un abandon et de ce fait le cheminement vers une identité d’adulte stable est mis en échec. La nourriture en excès ou en absence vient constituer alors une forme d’obsession, symbolisant alors cette impossibilité à l’autonomisation, mettant en échec l’identité du sujet.
S’organise alors un mode de vie, à l’écart de toute relation humaine. S’engager dans les relations humaines risquant de faire revivre au sujet une menace d’abandon. La nourriture comme substitut, donne l’illusion que l’on peut tout contrôler.
Dans cette perspective, les troubles du comportement alimentaires sont à comprendre comme une tentative inconsciente de contrôler des sentiments intenses tels que l’anxiété, l’insécurité et souvent la culpabilité.
Les conduites touchant l’alimentation, privation forcenée de la nourriture ou à l’inverse excès boulimiques suivis de vomissements s’inscrivent dans le cadre des processus autocalmants, semblable aux addictions. Elles signent donc l’échec de la constitution d’une identité stable. Signe d’une angoisse profonde et d’un échec des capacités à s’autoréguler, elle ancrent le sujet dans une problématique devenant rapidement incontrôlable et terriblement mortifère.
Quels sont les différents types de troubles alimentaires ?
Les troubles des conduites alimentaires peuvent prendre différentes formes. Selon le DSM5, les grandes catégories sont :
- L’anorexie mentale.
- La boulimie.
- L’hyperphagie boulimique.
- Le Pica.
- L’orthorexie.
- Le mérycisme.
L’anorexie mentale
L’anorexie mentale est un trouble des conduites alimentaires qui survient le plus souvent au moment de la puberté. Elle se manifeste par un refus catégorique de s’alimenter normalement pendant une longue période, pour perdre du poids ou ne pas en prendre (Inserm, 2024). Elle se déclenche le plus souvent a l’adolescence.
Elle se caractérise par une façon spécifique de s’alimenter soit par un refus total, soit par une restriction ou une éviction de certains aliments.
Elle peut être accompagnée, de vomissements, de prise de laxatifs, d’exercices physiques intenses pour contrôler le poids. L’indice de masse corporelle du sujet est généralement inférieur à 17,5. La croissance est souvent ralentie chez les adolescentes. La perception du corps est déformée, le sujet est dans le déni de sa maigreur, il se voit toujours gros.
Elle se manifeste plus particulièrement chez des sujets ayant une tendance au perfectionnisme, généralement une faible estime de soi et des trais anxieux ou dépressifs. Environ 40 % des patients anorexiques souffrent de troubles psychiatriques (Inserm 2024).
Elle débute souvent à la puberté, sa première manifestation étant un régime alimentaire restrictif. Celui-ci va perdurer engendrant une restriction de plus en plus importante. Des événements de vie traumatisants comme la séparation, le deuil, des traumatismes physiques ou sexuels sont fréquemment retrouvés avant le déclenchement du trouble alimentaire.
La phase anorexique dure en moyenne un an et demi à trois ans, mais peut se prolonger jusqu’à cinq ans. Après cinq ans d’évolution, deux tiers des patients sont guéris. Pour les autres, on parle d’anorexie mentale chronique. A terme, la moitié des personnes soignées pour une anorexie mentale à l’adolescence guérissent, un tiers est amélioré, 21% souffrent de troubles chroniques et 5 à 6% décèdent (Inserm, 2024).
La boulimie
La boulimie est un trouble du comportement alimentaire qui se caractérise par l’absorption compulsive d’une très grande quantité de nourriture en un minimum de temps. La personne perd très vite le contrôle sur sa consommation de nourriture, il s’agit d’un comportement compulsif que la personne ne peut contrôler. S’en suit une sensation de malaise suivis de comportements compensatoires afin de contrôler la prise de poids.
Dans la grande majorité des cas, les personnes se font vomir juste après la crise, compensent également par la prise de laxatifs ou de coupe-faim, de périodes de jeunes ou de l’exercice à haute intensité.
L’hyperphagie boulimique
L’hyperphagie ressemble en tous points à la boulimie mais elle n’est pas accompagnée de comportements compensatoires. La personne qui en souffre, se retrouve alors dans la plupart des cas en surpoids ou en obésité morbide.
Le Pica
C’est un trouble des conduites alimentaires qui consiste à manger des produits non comestibles, qui ne sont pas des aliments (papier, terre, argile, etc.).
Généralement, ce que mangent les personnes atteintes de Pica ne les met pas en danger. Il arrive que ce qu’elles mangent provoque des complications, telles qu’une constipation, des obstructions du tube digestif, une intoxication par le plomb pour avoir ingéré des éclats de peinture, ou une infection parasitaire après avoir ingéré de la terre (Le manuel MSD, 2024).
Ce comportement ne trouble généralement pas le fonctionnement social de l’individu car ces comportements se font le plus souvent à l’abri des regards. Cependant, ce trouble n’est jamais isolé et est le plus souvent, le reflet d’une maladie psychique sous-jacente comme l’autisme, un déficit intellectuel, la schizophrénie, une lourde dépression, etc.
L’orthorexie
C’est un comportement compulsif caractérisé par une obsession autour de la nourriture saine. Le sujet passe la plupart de son temps à planifier son alimentation afin de réduire à l’excès sa consommation de matières grasses, de sel, de sucre, ou de tout autre aliment qui peut être considéré comme nuisible pour sa propre santé. Ce trouble est accompagné d’un programme tout aussi rigide d’exercices physiques. C’est un trouble progressif, la personne suivant des restrictions alimentaires de plus en plus contraignantes pouvant conduire à une maigreur extrême, un isolement social total, menant souvent à une dépression chronique dont le sujet n’est pas vraiment conscient.
Le mérycisme
C’est un trouble des conduites alimentaires qui se caractérisé par la régurgitation d’aliments peu de temps après le repas que la personne mastique de manière involontaire ou non et ravale à nouveau. Il peut entrainer des conséquences dramatiques pour la personne : perte de poids, de la déshydratation, un déséquilibre ionique. Il peut être lié à des carences affectives, de la maltraitance, une pathologie mentale ou une maladie physique. Cette maladie qui se développe habituellement dans l’enfance peut persister à l’âge adulte et mener à un isolement social.
Et si nous en parlions?
Je suis psychologue clinicienne et psychothérapeute à Bruxelles, je suis spécialisée dans les troubles liées à l’alimentation (Troubles Comportementales Alimentaire: TCA)
Le traitement des troubles du comportement alimentaire.
Ils doivent être pris très au sérieux et traiter le plus rapidement possible après dépistage car ils sont liés à une détresse psychologique très importante. Les tentatives de suicides sont fréquentes chez les personnes souffrant de ce type de trouble.
L’anorexie est la pathologie associée au plus fort taux de mortalité, certaines études estiment que 10 % des patientes décèdent dans les 10 ans suivant le début du trouble.
Dans les cas les plus sévères, une hospitalisation dans un centre est indispensable. L’hospitalisation ne peut se faire dans une unité de psychiatrie générale mais bien dans un centre spécialisé vue la spécificité du trouble et sa ressemble avec les troubles de l’addiction. En effet, le phénomène de compulsion altère souvent la volonté de s’en sortir et bien souvent les personnes souffrant qui en sont atteintes ne veulent pas sortir de cette spirale et refusent la prise en charge.
Une approche multidisciplinaire est indispensable. Il faut :
- Un suivi médical avec un médecin spécialisé pour surveiller et compenser les carences occasionnées ;
- Un nutritionniste pour accompagner et rééduquer le patient vers une alimentation équilibrée.
- Dans les cas les plus graves, la mise en place d’un traitement médicamenteux et un suivi psychiatrique.
- Une psychothérapie par un psychologue spécialisé dans ce type trouble.
- Chez les individus jeunes, la prise en charge individuelle doit s’accompagner d’interventions familiales et parfois groupales.
La psychothérapie des troubles du comportement alimentaire.
Le traitement psychologique doit se situer à deux niveaux : comportemental et psychothérapique. Comportemental pour cesser les habitudes alimentaires néfastes et psychothérapique pour la prise en charge de la souffrance psychologique associée.
Une psychothérapie avec une personne formée dans ce type de trouble est cruciale. Elle va permettre, au-delà de la symptomatologie manifeste d’explorer les causes sous-jacentes motivant le comportement alimentaire.
Il s’agira de retracer l’histoire du patient et de comprendre le moment clé où le trouble a commencé à se manifester et d’en saisir l’évolution.
Créer une relation de confiance où le patient puisse se sentir suffisamment soutenue est fondamentale.
Tout symptôme a une fonction. Les troubles du comportement alimentaire sont des défenses contre une souffrance psychique devenue insupportable et chaque histoire est singulière. Quoiqu’il en soit à la base du trouble on retrouve toujours une anxiété prédominante liée à des vécus dépressifs importants.
Il faudra aider la personne à reconstituer le fil de son histoire et comprendre le malaise existentiel à la base du trouble. Qu’il s’agisse de troubles dans la famille d’origine, de traumatismes, d’une dynamique transgénérationnel ou une combinaison de tous ces facteurs ; soigner l’anxiété et la dépression sous-jacentes permettront de rompre les mécanismes de compulsion, s’inscrire à nouveau dans la vie, retrouver des relations sociales satisfaisantes, et restaurer une estime et un amour de soi qui ont fait défaut. La clé du traitement étant de mettre à jour ce que le la compulsion du trouble alimentaire cherchait à annihiler.
Une approche somatique comme la méditation, le Breathwork ou l’EMRD peuvent également venir soutenir ce travail.