La dépression peut arriver à tout moment de la vie. Elle apparaît souvent sans raison, et plonge la personne qui en souffre dans un monde d’inquiétante étrangeté.
Elle s’installe souvent insidieusement avec son cortège de symptômes : pensées noires, perte de plaisir dans les activités quotidiennes, difficultés à se lever le matin, troubles du sommeil, de l’alimentation mais aussi, isolement social.
La dépression à moins qu’elle se révèle à la suite d’un évènement spécifique : perte d’un proche, accident, traumatisme est souvent en lien avec le passé.
Lorsqu’elle se déclare face à un évènement spécifique, on parle de dépression réactionnelle, qui se résout généralement par elle-même une fois la charge émotionnelle digérée.
Cependant, si elle persiste dans le temps, on parle alors de trouble dépressif majeur. Dans ce cas-ci les causes sont toujours plus complexes et il est alors impératif de commencer une psychothérapie.
La dépression a souvent été qualifiée de « maladie », comme si elle était finalement une fatalité parmi d’autres, héréditaire et guérissable uniquement par la prise de médicaments, s’avérant souvent nécessaires pendant de longues années.
Même si les médicaments semblent indiquer pour les cas les plus graves, cette définition laisse peu d’espoir aux personnes qui en sont atteintes car elle n’ouvre aucune piste de guérison possible.
Et si nous en parlions?
Je suis psychologue clinicienne et psychothérapeute à Bruxelles, je suis spécialisée dans les troubles dépressifs.
D’où vient la souffrance et pourquoi cette souffrance ?
Trop peu de professionnels de la santé mentale pose finalement ces questions, comme si l’histoire de la personne malade importait peu.
Pourtant, on ne guérit pas de la dépression en niant sa complexité et sans en comprendre ses origines.
Qu’est-ce que la dépression ?
Autrefois, la dépression se nommait mélancolie et se définissait comme : « État psychique caractérisé par un trouble de l’humeur dans le sens d’une diminution de l’élan vital, avec tristesse, ralentissement idéomoteur et psychomoteur, douleur psychique et physique, dérèglements neurovégétatifs. » (Kraeplin, 1889).
Cette définition garde cependant toute son actualité et n’est pas très éloignée des définitions actuelles comme celle de l’organisation mondiale de la santé (OMS), où il s’agit : « d’une tristesse persistante ou une perte durable de la capacité à éprouver de l’intérêt ou du plaisir pour les activités qui en procuraient auparavant » (2024).
Toujours selon l’OMS, « l’humeur dépressive doit être présente la plus grande partie de la journée et se manifeste presque quotidiennement pendant au moins deux semaines. Les personnes dépressives peuvent souffrir de troubles du sommeil et de fluctuations de leur appétit. Elles peuvent également avoir une faible estime d’elles-mêmes ou des idées suicidaires et se sentir désespérées face à l’avenir. La fatigue et les difficultés de concentration sont également des symptômes fréquents ».
La perte de vitalité et de plaisir dans la vie quotidienne est au centre de la problématique. L’individu se retrouve face à des angoisses importantes, un sentiment d’échec et d’impuissance, de la fatigue, un ralentissement intellectuel.
On estime que 10 % de la population mondiale serait touché par la dépression.
Selon une étude de Prévot (2022), environ 1 à 1,7 million de personnes vont présenter une dépression au cours de leur vie en Belgique.
La dépression est souvent difficile à identifier
La dépression peut prendre différentes formes. On imagine souvent le sujet déprimé comme passif et inerte, prostré, regardant le monde autour de lui avec indifférence et détachement.
Or, la dépression peut être masquée, elle s’exprime alors par une grande agitation où la personne est perpétuellement en mouvement car submergée par l’angoisse ou l’anxiété.
Elle peut se manifester par des crises de colère et d’agressivité, par un recours aux substances comme l’alcool, les médicaments ou les drogues. Beaucoup de personnes ignorent être déprimées ou ne veulent pas l’admettre.
Une des formes graves de la dépression est le trouble bipolaire qui se caractérise par l’alternance d’états d’euphorie et d’agitation et de périodes d’abattement et de repli sur soi.
Toutes ces constellations rendent parfois son identification plus difficile.
D’où vient la dépression ?
Au cours de l’existence, nous faisons tous face à des évènements difficiles qui sollicitent nos capacités d’adaptation et de résilience.
La dépression peut être liée à la perte d’un proche, des conditions de vie ou de travail difficile, un stress persistant, des échecs, un évènement douloureux ou traumatique, un deuil.
Face à la tristesse engendrée par ces évènements, nous ne sommes pas tous égaux.
Tout le monde ne vit pas ces évènements de la même manière et ceci est lien avec les ressources de chacun. Le degré de résilience de chacun trouve son origine dans notre passé.
Certains vont vivre ce moment difficile sans se sentir complètement envahis. Même tristes, ils vont pouvoir continuer à fonctionner plus ou moins normalement dans la plupart des domaines de leur vie jusqu’à ce que l’orage se calme.
D’autres vont se sentir beaucoup plus affectés dans leur quotidien, au point que la souffrance morale va devenir de plus en plus problématique et envahir peu à peu tous les domaines de vie.
Souvent l’évènement marquant va revenir réveiller des souvenirs anciens, d’autres moments de vie difficiles, plongeant alors l’individu dans un profond désarroi.
Nous ne sommes pas tous égaux face à la dépression car nous n’avons pas tous le même passé.
Et si nous en parlions?
Je suis psychologue clinicienne et psychothérapeute à Bruxelles, je suis spécialisée dans les troubles dépressifs.
La dépression prend ses origines dans l’enfance.
L’inégalité face à la dépression dépend bien souvent de l’enfance que nous avons vécue et de la qualité des relations avec les figures parentales et familiales.
Un individu qui a grandi dans un environnement sécurisant lors de son enfance et qui de ce fait a pu acquérir des bases solides sur lesquelles s’appuyer, sera plus à même de traverser certains moments plus difficiles sans s’effondrer.
Il s’agit de familles où la communication est fluide, où l’on peut exprimer ses émotions sans angoisser les autres membres du groupe familial et ou les difficultés sont envisagées comme inhérentes à la vie, ce qui n’entache pas une confiance en l’avenir.
Cette régulation quotidienne permet d’adapter son ressenti émotionnel sans être submergé et de trouver des solutions seul tout en sachant demander de l’aide en cas de besoin.
Au contraire, un individu, ayant grandi dans une famille moins sécurisante, où il y avait plus de secrets, où les parents étaient eux-mêmes plus anxieux et préoccupés, où la communication sur les émotions négatives n’était pas encouragée, aura plus de mal à reprendre espoir face un évènement dépressogène.
Dans ce cas-ci, la tristesse vécue peut alors aller jusqu’à l’effondrement et mener à ce que l’on appelle communément en psychanalyse une dépression mélancolique.
Il s’agit d’une incapacité à faire le deuil, la perte est insupportable pour le sujet et menace alors sa propre intégrité.
La dépression, un héritage transgénérationnel
La dépression peut également se transmettre d’inconscient à inconscient. Nous sommes tous issus de deux êtres avec chacun leur propre histoire. L’histoire d’un des deux parents ou des deux peut avoir été difficile : guerre, traumas, deuils, secret familial…
L’enfant sent les émotions négatives mais comprend également que l’on n’a pas le droit d’en parler car cela rend les adultes mal à l’aise.
Cette souffrance n’est pas exprimée directement au sein de la famille soit car le parent n’en a pas vraiment conscience ou parce qu’il souhaite protéger l’enfant de la charge émotionnelle qu’il imagine bien trop lourde à porter.
Les parents minimisent alors leur propre souffrance, même s’ils en portent les stigmates, et très souvent elle est transmise à la génération suivante sous une forme masquée.
Les générations suivantes sont alors porteuses d’une charge mélancolique dont ils ne comprennent rien et dont ils n’arrivent pas à se défaire.
C’est tout simplement cela l’hérédité de la dépression. On n’a pas besoin de gêne pour transmettre la souffrance. C’est pourquoi il est impératif de s’intéresser aux aspects transgénérationnels de la dépression quand on ne sait pas d’où elle vient.
Comment sortir de la dépression ?
Le traitement principal pour sortir de la dépression est la psychothérapie. Elle est indispensable pour traiter le problème à la racine et prévenir les risques de rechutes.
La dépression est une invitation à se pencher sur son passé pour pouvoir modifier son présent.
Il faut d’identifier ce qui maintient dans la tristesse et qui empêche de reprendre confiance en l’avenir.
Un travail de fond sur l’enfant et l’adolescent que l’on a été, sur sa propre famille et son héritage transgénérationnel est une véritable opportunité de se débarrasser du poids du passé afin d’éloigner ce sentiment de pesanteur et de s’en affranchir définitivement.
Le travail sur le passé ramène toujours à un travail sur le présent. Au fil de ce parcours, on réalise que certains choix appartiennent au passé et de nouveaux aménagements de vie sont envisagés. On est alors libre de mettre en place de nouveaux projets ou de nouvelles habitudes plus en lien avec ses aspirations profondes.
La thérapie de la dépression, même si elle constitue un effort certain est une thérapie du renouveau qui peut bien au-delà des espérances, insuffler un véritable souffle de vie et permet de construire l’avenir sur des bases authentiques, solides et durables.